HYACINTHE COLLIN DE VERMONT (1693 – 1725) / Y. MALRIN

L’APPRENTISSAGE (1693-1725)
PAR
YVES MALRIN

On possède peu d’informations sur la vie privée de Hyacinthe Collin de Vermont. Seules quelques dates et quelques adresses ponctuent la vie de ce peintre. De ce célibataire (3), on entreverra ses relations avec sa famille, on méconnaitra ses rapports avec ses contemporains, mais par contre on pourra estimer sa fidélité envers ses amis. Le parcours de son œuvre permettra d'appréhender sa personnalité, sa sensibilité et son caractère.

Hyacinthe Collin de Vermont est né à Versailles, le 19 janvier 1693 (4). Son père, Nicolas Collin, est Musicien ordinaire du Roi (5) et non professeur de Mathématiques comme il est parfois mentionné dans certains textes. Ce dernier a pour ami personnel Hyacinthe Rigaud, peintre ordinaire du Roi (6) (7) ; il donne à son fils le prénom de cet illustre artiste et le choisit pour être le parrain de l’enfant (8). La cérémonie du baptême a lieu, le 21 Janvier 1693, en la paroisse de Notre-Dame de Versailles (9).
On ne connait rien de son enfance, mais on peut imaginer comment son intérêt pour la peinture est né. Appartenant à une famille de musiciens et non de peintres (10), Collin de Vermont n’était pas prédestiné aux arts de la peinture, mais davantage à ceux de la musique ; choix vers lequel s’oriente son frère François Collin de Blamont qui fut Surintendant de la Musique du Roi et Maître de Musique de la chambre de Sa Majesté (11). Mais cela était sans compter la présence de son parrain, le peintre Hyacinthe Rigaud. Il dut intéresser son filleul à son art, être le premier à lui mettre les pinceaux entre les mains et deviendra son premier professeur (12). Ce rôle d’initiateur tournera à celui de protecteur et cette sollicitude ne se démentira jamais. Après son passage chez Rigaud, Collin de Vermont fréquente l’atelier de Jean Jouvenet (13). Il a pour compagnon Jean Restout (14) — peintre que l’on retrouvera dans cette étude, car certains tableaux de Collin de Vermont lui ont été attribués dans le passé. Les dates de Collin de Vermont et celles de Jouvenet permettent de situer la période durant laquelle Collin de Vermont est son élève. Jouvenet est mort, en 1717, et on sait que Collin de Vermont né, en 1693, fait le voyage à Rome en 1716 (15). On peut en déduire que Collin de Vermont est chez Jouvenet entre 1706-1707 (années où Restout entra dans cet atelier (16)) et 1716. Jouvenet pendant les dernières années de sa vie consacre une grande partie de son travail à la peinture religieuse (le Repas du Christ chez Simon le pharisien, en 1706 — Musée des Beaux-Arts de Lyon —, la Déposition de croix, en 1708, de l’église Saint-Maclou de Pontoise, deux autres Dépositions de croix, en 1713 et 1714, la première est au Musée des Beaux-Arts de Dijon et la seconde au musée des Augustins de Toulouse, auxquelles son atelier participe et une Visitation de la Vierge, en 1716, peinte pour Notre-Dame), mais aussi à la peinture décorative (les Apôtres dans la coupole basse des Invalides, en 1704, la Pentecôte pour la chapelle de Versailles, en 1709, le Triomphe de la Justice pour le plafond de la II ° chambre des Enquêtes du Parlement de Rouen, en 1713). Tous ces tableaux religieux et ces grands décors, Collin de Vermont les a sûrement vus et y a peut-être participé. On analysera à la fin de cette étude, les influences qu’a pu avoir Jouvenet sur l’œuvre de Collin de Vermont.

Après ses apprentissages chez Rigaud et chez Jouvenet, Collin de Vermont décide de rentrer à l’Académie royale de peinture et de sculpture. Grâce aux procès verbaux de cette Académie, on peut retracer le parcours de Collin de Vermont dans cette maison, de 1715 à 1761. Agé de 22 ans, le 6 avril 1715, il exécute devant les Académiciens les esquisses, que ceux-ci lui ont demandées. Après examen de ces esquisses, Messieurs les Officiers de l’Académie ont jugé favorablement le travail (17). L’Académie décide que Collin de Vermont et trois de ses camarades : Grandon, Wamps et Boutilliers commenceront un ouvrage sur un sujet donné. Cet ouvrage devra être terminé avant le 10 juin 1715 (18). Son sujet pour participer aux grands prix est : Judith acclamée par le peuple (N° 1) (19). C’est un sujet de la peinture d’histoire ; ce fait est rapporté dans un livre de la Bible qui porte le nom de Judith. Héroïne juive, veuve vertueuse de Manasses, riche citoyen juif habitait Béthulie, lorsque Holopherne, général de Nabuchodonosor, Roi d’Assyrie, vint assiéger cette ville. Judith, pour sauver son pays, alla trouver le général ennemi, sut lui inspirer une vive passion et lorsqu’elle eut été admise dans sa couche elle lui trancha la tête pendant son sommeil. On place cet événement vers l’an 658 av J-C. On n’a ni trace ni commentaire de ce tableau. Le résultat du concours est le seul indice que nous possédons pour émettre un jugement sur cette œuvre : il obtient le second prix avec ce tableau — le premier prix fut attribué à Wamps (20).
Son brevet d’élève à l’Académie de Rome obtenu (21), il est envoyé en Italie, le 24 mars 1716, en compagnie de trois autres élèves : Bonvillers, Raymon et Saussard (22). La correspondance des Directeurs de l’Académie de France à Rome avec les surintendants des Bâtiments nous informe sur son séjour romain. Il arrive à Rome, le 12 mai 1716, après être passé par Marseille et Civita-Vecchia (23). Poerson, le directeur de cette Académie, très content de deux de ses élèves, Collin de Vermont et Bonvillers, notera ces jugements dans sa correspondance avec le Duc d’Antin : — "... Ce sont les deux meilleurs Sujets qui aient ésté à l’Académie depuis Douze ans... » (24) — "...Collin a un goût assez juste, imite bien et pourra acquérir une science solide. » (25) — "... Enfin Monseigneur, je puis assurer votre Grandeur qu’ils font tous leurs devoirs et qu’il serait bien difficile de retrouver de jeunes gens aussy studieux et aussy arrangés qu’ils sont... » (26). Les louanges de Poerson pour Collin de Vermont sont sincères, mais expriment davantage une honnêteté et un sérieux dans le travail que la reconnaissance d’un futur génie.

Le 11 février 1721, notre peintre quitte Rome (27). De cette période on ne possède que les témoignages de Poerson. Il passe par Venise pour rentrer en France (28). On ne détient aucune indication sur son séjour dans la ville des Doges. Les peintres vénitiens qu’il regarde et qu’il apprécie sont peut-être ceux que l’on retrouvera dans son inventaire après décès (29). Collin de Vermont possède un grand nombre de tableaux copiés d’après des peintres vénitiens. Voici les plus importants d’entre eux : — Un petit tableau, toile de 6, bordure dorée, une Vierge et enfant Jésus d’après Véronèse — un tableau à l’huile, toile de 3 livres, bordure dorée, un Saint-Jérôme de l’école vénitienne — un grand tableau, toile sur toile de 6 livres, non bordée, copie d’après Titien — Un tableau moyen, toile sur toile, bordure dorée, tête de vieillard, original Titien — Tableau, toile sur toile de 20, Bacchanales d’après Titien — Tableau non bordé, copié d’après Giorgione, le concert champêtre par Stiemart — Tableau quarré, non bordé, copié d’après Corrège par Vermont la Vierge et l’enfant Jésus — Un grand tableau à huile de 6 pieds de long pour 4 pieds et demi de haut Les pèlerins d’Emaus copié d’après Paul Véronèse par Mr.Stiemart.


Son apprentissage fini, notre peintre, rentré d’Italie, s’inquiète, du silence de l’Académie royale de peinture et de sculpture ; les procès verbaux de cette Académie font l’écho de cette attente. Citons ici le procès verbal de l’Académie du 27 Novembre 1724 : « Le Sieur Hyacinthe Colin de Vermont, peintre né à Versailles, a fait apporter plusieurs tableaux pour supplier l’Académie le vouloir l’admettre dans la Compagnie, laquelle après avoir pris les suffrages par les fèves a agréé sa présentation. Il recevra de Monsieur de Boullongne, Directeur de l’Académie, et fera voir son esquisse dans un mois sur son sujet » (30). Ce texte nous fournit plusieurs renseignements : Collin de Vermont a peint plusieurs tableaux entre 1721, année de son retour en France, et 1724, année de sa demande à être reçu à l’Académie. De ces tableaux nous ne connaissons pas les sujets et ne savons ce qu’ils sont advenus. Leur qualité a dû être bonne puisqu’elle le fait admettre dans la Compagnie. L’exécution de cette esquisse qui représente la Naissance de Bacchus, sujet qui lui a été ordonné par l’Académie, lui vaut d’être agréé à l’Académie. Décision prise, le 3 mars 1725 :" Monsieur Collin a aporté l’esquisse du tableau qui lui a été ordonné pour sa réception, laquelle représente : la Naissance de Bacchus ; l’Académie l’a agréé à la pluralité des voix et lui a donné six mois pour l’exécution du tableau « (31).


YVES MALRIN





- Les chiffres renvoient aux notes ci-dessous.
- Les Numéros renvoient au catalogue de l’œuvre peint ci-dessous.


NOTES

(1)      Procès-verbaux..., t. IV, p.392.

(2)      Collin chez Jouvenet

(3)      Homme qui ne mariera pas

(4)      Registre de baptême de la paroisse Notre-Dame (archives municipales de Versailles).

(5)      Archives Nationales. Minutier central, LIII, N°301.

(6)      Voir Colombier, Hyacinthe Rigaud, 1973.

(7)      Rigaud fit le portrait en buste de Nicolas Collin, Nouvelles Archives de l'Art Français, 1891, p.69.

(8)      Registre de baptême de la paroisse Notre-Dame           (archives municipales de    Versailles).

(9)      Registre de baptême de la paroisse Notre-Dame            (archives municipales de   Versailles).

(10)    Archives Nationales. Minutier central, LIII, N°313.

(11)    Archives Nationales. Minutier central, LIII, N°291.

(12)    Benezit, t. III, p.114.

(13)    Collin chez Jouvenet

(14)    Messelet in L. Dimier, 1930, t. II, p.257.

(15)    N. A. A. F , 1879, p.388.

(16)    P. Rosenberg & A. Schnapper : J. Restout, catalogue, 197O, p.14.

(17)    Procès-verbaux..., t. IV, pp.99-100.

(18)    Procès-verbaux..., t. IV, pp.99-100.

(19)    Messelet in L. Dimier, 1930, t. II, p.257.

(20)    Procès-verbaux..., t. IV, p.208.

(21)    Correspondance des Directeurs, 1887-1908, t. IV, p.470.

(22)    Correspondance des Directeurs, 1887-1908, t. IV, p. 472.

(23)    Correspondance des Directeurs, 1887-1908, t. V, pp.1-2.

(24)    Correspondance des Directeurs, 1887-1908, t. V, p.19.

(25)    Correspondance des Directeurs, 1887-1908, t. V, p.96.

(26)    Correspondance des Directeurs, 1887-1908, t. V, p.208.

(27)    Correspondance des Directeurs, 1887-1908, t.VI, p.17.

(28)    Correspondance des Directeurs, 1887-1908, t.VI, p.17.

(29)    Catalogue de Vente Collin de Vermont, Paris, 1761.

(30)    Procès-verbaux..., t. IV, p.384.

(31)    Procès-verbaux..., t. IV, p.392.

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