HYACINTHE COLLIN DE VERMONT (1725-1745) / Y. MALRIN

COLLIN DE VERMONT SOUS LES DIRECTORATS DU DUC D’ANTIN ET DU CONTRÔLEUR GENERAL ORRY (1725 – 1745) / YVES MALRIN


COLLIN DE VERMONT PEINTRE D’HISTOIRE SOUS LES DIRECTORATS DU DUC D’ANTIN ET DU CONTRÔLEUR GENERAL ORRY

C’est le 29 octobre 1725 que Hyacinthe Collin de Vermont est reçu comme peintre d’histoire par l’Académie Royale de peinture et de sculpture avec le tableau : la Naissance de Bacchus (N° 2) (32). Ce thème de la mythologie où Bacchus orphelin de sa mère est sauvé par Zeus est exécuté par Collin de Vermont de manière très académique. La composition est d’une grande simplicité. Le tableau est construit autour d’un groupe formé par les deux nymphes, Ino et Athanas, et le petit Bacchus. De ce groupe de personnages part une diagonale sur laquelle est placé Mercure, qui fait le lien entre Zeus incarnant le monde céleste et divin, et l’ile de Naxos symbolisant le monde terrien et humain. Tous les regards et tous les gestes des protagonistes vont et conduisent vers le groupe central pour finir par toucher l’enfant qui est le point d’intérêt du tableau à partir duquel rayonnent tous les autres personnages. Collin de Vermont peint ce thème mythologique dans un décor de nature. Arbres et roches apportent à cette action le sentiment du  paisible et du serein de l’enfance que connaîtra le petit Bacchus dans l’île de Naxos.

En 1727, pour la première fois, son nom et son adresse sont mentionnés dans l’Almanach royal (33) ; celui-ci nous apprend qu’il habite chez M. Ollier, Rue du Grenier Saint-Lazare. A. Jal nous précise qu’il y vécut, jusqu’en 1737, pour ensuite déménager, Rue Platrière, paroisse de Saint-Eustache (34). Il ne quittera pas la paroisse de Saint-Eustache et cette fidélité à ce quartier facilite, aujourd’hui, nos recherches.

Deux années après sa réception à l’Académie royale de peinture et de sculpture, il participe, en 1727, au concours organisé par le Duc d’Antin (35). Le Surintendant des Bâtiments a ouvert un concours parmi les meilleurs peintres de l’Académie. Ce concours, récompensé par des prix, a pour objectif de motiver les peintres et de relever la peinture d’histoire. Onze artistes sont choisis pour y participer : Troy le fils, Charles Coypel, de Favanne, Lemoine, Restout, Noël Coypel, Massé, Courtin, Galloche, Dieu et Collin de Vermont. Les participants ont toute liberté dans le choix du sujet, seules les dimensions de la toile leurs sont imposées : 4,5 Pieds de haut pour 6 Pieds de large.
Collin de Vermont choisit pour sujet : Antiochus amoureux de sa maîtresse (N° 3). Le Mercure de France, de 1727, présente le tableau ainsi : « Antiochus amoureux de sa belle-mère. « Plutarque, dans la vie de Démétrius. » De M Collin. — « La beauté de Stratonice femme de Séleucus Nicator, Roi de Syrie, & père d’Antiochus, ayant inspiré à ce dernier une violente passion, qu’il ne lui fut pas possible de vaincre, il tomba dans une langueur qui fit craindre pour sa vie ; mais la présence de la Reine, sa belle-mère, qui le vint voir, ayant fait connoitre à Erasistrate, Médecin du Roi, que la maladie de ce Prince étoit causée par son amour pour Stratonice, Séleucus la céda à son fils. « On voit Antiochus à qui Erasistrate tâte le poux, dans le temps que la Reine paroî & ct... » (36). Ces onze tableaux sont exposés dans la Galerie d’Apollon, aux mois de mai et de juin 1727.
C’est la première fois que Collin de Vermont présente un tableau dans une exposition publique organisée par l’Académie. Le contexte, dans lequel Collin de Vermont travaille, vaut d’être analysé. Ce concours, première mesure et premières prémices d’une politique artistique pour le renouveau de la peinture d’histoire, est une chance pour Collin de Vermont. Ce dernier profite, en tant que jeune peintre d’histoire, attaché au souvenir de l’école de Le Brun, par sa formation chez Jouvenet, de cette initiative prise pour rehausser ce genre. Sa chance est de participer à ce concours deux années seulement après avoir été reçu à l’Académie royale de peinture et de sculpture. La possibilité d’exposer un tableau dans une exposition publique est aussi une chance pour Collin de Vermont ; on sait combien les Salons et les expositions sont rares, dans le premier tiers du XVIII ° siècle — il y eut des Salons, en 1704, 1725, et 1737 et deux expositions en 1727 et 1736 — c’est pour lui une occasion de se faire connaître, et ceci, toujours, deux années seulement après sa réception. Le Duc d’Antin ne voulant pas assumer la responsabilité du jugement, appelle les Académiciens et le public à juger du mérite des onze artistes. Le premier prix est partagé entre Lemoine et de Troy. Collin de Vermont ne semble ne pas avoir eu beaucoup de succès. Il est difficile d’expliquer cet accueil, étant donné que nous ne connaissons pas cette toile. Le seul témoignage que nous gardons de cette œuvre est une gravure exécutée par Jean-Charles Levasseur (1734-1816), en 1769 (37). Cette gravure nous permet de connaître la composition de ce tableau : Antiochus est allongé sur un lit, il est entouré du médecin Erasistrate qui lui prend le pouls et de Séleucus Nicator, son père, assis auprès de lui ; face à eux se tient, debout, Stratonice ; ce groupe se détache sur un rideau qui coupe la perspective. M. P. Rosenberg, dans un article, de la Revue de l’Art, de 1977, relève la correspondance entre cette composition et celle du tableau de Poussin, la Mort de Germanicus : « Le tableau de Collin de Vermont — l’artiste venait d’être reçu à l’Académie — montre la dette du peintre à l’égard de la Mort de Germanicus. Seleucus Nicator, époux de Stratonice et beau-père d’Antiochus, adopte l’attitude de l’Agrippine de la toile de Poussin » (38). (Seleucus Nicator est le père d’Antiochus et non le beau-père)). Le fait que cette exposition soit un Concours et non un Salon a peut-être influencé Collin de Vermont dans le choix de son sujet et dans la manière dont il le compose. La nature de cette compétition l’a peut-être incité à se référer à Poussin. Il est indéniable que l’on retrouve dans le tableau de Collin de Vermont beaucoup d’éléments de la toile de Poussin : la même disposition en frise des personnages, le rideau qui coupe la perspective, l’ouverture dans une architecture antique qui donne une illusion de profondeur et une reproduction des gestes et des attitudes. Mais malgré tous ces emprunts, il se dégage une monotonie due à l’alignement des têtes et aux  verticales trop prononcées, sentiment accentué par des expressions trop figées. On peut aussi citer pour autre référence la Mort de Méléagre par Charles Le Brun (Musée du Louvre).

De 1727 à 1740, notre peintre est très occupé. Il prépare l’exposition, de 1736, et le Salon de 1737, et il exécute plusieurs tableaux pour des églises parisiennes.

L’exposition, de 1736, où Collin de Vermont expose deux tableaux sur l’histoire de Télémaque (N° 8) et une Descente de croix (N° 7), ne peut être considérée comme un Salon, car elle ouvre le premier samedi de juillet et non le 21 août, jour de la fête du Roi et date officielle de l’ouverture des Salons de l’Académie royale de peinture et de Sculpture. Cette exposition organisée par l’Académie n’est connue que par une description du Mercure de France, de 1736 (39). Les deux tableaux sur l’histoire de Télémaque (N° 8) présentés par Collin de Vermont sont, aujourd’hui, perdus. M. J.-F. Méjanés dans le catalogue des dessins français du XVIII ° siècle de Watteau à Lemoyne émet l’hypothèse que le dessin de Hyacinthe Collin de Vermont : un couple se reposant après la chasse, détenu au Cabinet des Dessins du Louvre pourrait être une étude pour l’un de ces deux tableaux : « Ce couple pourrait être Eucharis et Télémaque à la fin de la chasse durant laquelle cette nymphe de Calypso tenta de séduire le fils d’Ulysse, tandis que Mentor-Minerve construisait le bateau qui devait libérer son protégé de cette séduction (Fénelon, Télémaque, livre VII) (40). Mes recherches ne me permettent pas d’infirmer ou de confirmer cette hypothèse.

1737, est pour Collin de Vermont une année très importante dans sa carrière. La raison en est la reprise des Salons, décision prise par le nouveau Directeur général des Bâtiments, le Contrôleur général Orry — le dernier Salon a eu lieu, en 1725. Durant ces douze années, Collin de Vermont a beaucoup peint et il profite de cette occasion pour dévoiler son travail. La liste de ses tableaux dans le livret officiel est assez éloquente : -21 tableaux sur l’histoire de Cyrus (N° 6 & 20-18-19), — Une Descente de Croix (N° 9), — un jugement de Salomon (N° 10), — La Maladie d’Antiochus causée par l’amour qu’il portait à Stratonice sa belle-mère (N° 14), — Les Dieux qui coupent les ailes à l’Amour pour l’empêcher de remonter au ciel (N° 12), — Renaud et Armide (N° 17), — Pyrame et Thisbé (N° 16), — Les Adieux d’Hector à Andromaque (N° 15), — Les Noces de Thétis et Pelée ou la discorde jettent entre les divinités une pomme d’or (N° 11) (41) (42).

Pendant les années qui ont précédé, le Salon de 1737, notre peintre travaille à une vaste entreprise : l’histoire de Cyrus. Au Salon de 1737, il y expose vingt-et-une esquisses, d’après le livret de ce Salon et non pas seize comme il sera indiqué dans le livret officiel, du Salon de 1751, année à laquelle il exposera une seconde série sur l’histoire de ce personnage (43). L’étude des esquisses présentées, au Salon de 1737, sera exécutée avec la série, de 1751. Mis à part les esquisses traitant de l’histoire de Cyrus, nous avons, à ce jour, perdu la trace des huit tableaux présentés à ce Salon. Cinq d’entre eux : — les Dieux qui coupent les ailes à l’Amour pour l’empêcher de remonter au ciel, — la Descente de croix, — le Jugement de Salomon, — la Maladie d’Antiochus et — les Noces de Thétis et Pelée sont mentionnées dans l’inventaire après décès du peintre (44). Pour le dernier tableau cité (mais aussi pour les autres), on ne peut pas affirmer qu’il soit celui inscrit dans cet inventaire, étant donné que Collin de Vermont peindra ce même sujet, en 1751 (N° 41). On ne possède aucun commentaire journalistique ou livresque qui pourrait nous renseigner sur le style de ces tableaux et sur l’accueil qu’ils ont reçu. Mais le nombre des œuvres exposées et les sujets choisis peuvent nous éclairer sur l’approche de l’art que Collin de Vermont appréhende pendant cette période où la peinture de genre triomphe et où la peinture d’histoire n’aborde que les sujets plaisants et amoureux. Collin de Vermont ne fait pas exception à cette nouvelle définition du goût. Il présente, mis à part l’histoire de Cyrus, deux sujets religieux (— une Descente de Croix et — un Jugement de Salomon) pour six peintures sur des thèmes mythologiques et poétiques aux sujets amoureux (— Antiochus amoureux de Stratonice inspiré de Plutarque dans la vie de Démétrius, — les Noces de Thétis et Pelée, épisode tiré de Salluste, — Renaud et Armide, héros de la « Jérusalem délivrée » du Tasse, — Pyrame et Thisbé et — les Dieux qui coupent les ailes à l’Amour pour l’empêcher de remonter au ciel, des « Métamorphoses » d’Ovide, — Hector et Andromaque, scène de l’Iliade).

1737, Collin de Vermont déménage. Est-ce le bon accueil et la vente de ces tableaux qui en sont la cause ? De la rue du Grenier Saint-Lazare il part vivre rue Platrière, toujours dans la paroisse de Saint-Eustache ; domicile qui sera le sien jusqu’à la fin de sa vie (45).

Pendant cette décennie, notre peintre s’est fait une certaine renommée à constater le nombre des tableaux commandés par des établissements religieux. L’exposition, de 1736 et le Salon, de 1737, ont dû apporter à notre peintre une certaine notoriété, et ce, en particulier dans sa paroisse ; car pas moins de cinq établissements religieux, dont plusieurs de son quartier, lui passent commande pour des tableaux : — les Capucins du Marais, — les Capucins de la rue Saint-Honoré, — l’Eglise Saint-Merry, — l’Eglise Saint-Jean en Grève et — Sainte Croix de la Bretonnerie (46).
A ce talent reconnu, on peut se permettre d’avancer que les relations de son père, Maître de Musique du Roi — il devait jouir d’une certaine respectabilité dans un quartier où il résida la dernière partie de sa vie (47) — et de son parrain, Hyacinthe Rigaud — il vivait dans les paroisses de Saint-Eustache et de Saint-Roch (48) – ont pu l’aider auprès des Religieux de ces paroisses. A ceci, il faut ajouter sa nomination, le 28 novembre 1733, au poste de Professeur-Adjoint à l’Académie (49). Si on suppose que ces commandes débutent, vers 1730, c’est à l’âge de trente-sept ans que Collin de Vermont commence à peindre des tableaux religieux commandés par et pour des églises.
Pour cette étude, les témoignages recueillis dans les guides descriptifs de Paris de cette époque, ceux de Dezallier d’argenville, de Piganiol de La Force et de Germain Brice nous seront d’une très grande aide (50). Débutons nos recherches par l’église des Capucins du Marais.

De nombreux ouvrages, dont principalement celui de Dezallier d’Argenville, nous informent que cette église possédait huit tableaux sur la vie de la Vierge : — Sa Naissance et son Assomption par Robert, — la Visitation et la Mort de la Vierge par Drandré-Bardon, — son Mariage et le Repos en Egypte par Wamps et — l’Annonciation de la Vierge (N° 4) et — la Présentation au temple ou Purification (N° 5) par Collin de Vermont (51).
La Purification est signée et datée, de 1735. On suppose que l’Annonciation — ni datée ni signée — est contemporaine de cette dernière. Le registre de délibération de cet établissement nous confirme cette supposition : « Le seizième Dbre 1734 l’on posa dans notre église le tableau de l’Annonciation de la Sainte Vierge par Monsieur Collin de Vermont de l’Académie, qu’à fait payer 500 Livres suivant la quittance font qu’il n’en n'ait rien couté au couvent, mais par del secours que quelques amis m’ont donné et quelques religieux... » (52). Cette œuvre peinte avant le 16 Dbre 1734 fut achevée et accrochée avant la Purification de la Vierge, ce confirmé par ce même registre aux années 1735, 1736, 1737 : « Monsieur Collin de Vermont de l’Académie doit poser incessamment le tableau représentant la purification de la Sainte Vierge au Temple qui doit être placé dans le sanctuaire du côté de l’Evangile, il est payé 500 Livres et je n’ay la quittance. » (53) (Dictionnaire des Artistes* mentionne la décoration de la nef des Capucins du Marais). Ces deux tableaux sont aujourd’hui à Lyon : — l’Annonciation de la Vierge à l’église Saint-Just et — la Purification à la cathédrale Saint-Jean (54). Les historiques, encore incertains, de ces deux tableaux ont été en partie élucidés dans la communication au Bulletin de la Société de l’Art français, de l’année 1976, par MM. Antoine Schnapper et Daniel Ternois à propos de la vente de tableaux provenant des églises parisiennes, en 1810. C’est M. Jacques Foucard qui a identifié l’Annonciation d’après un croquis de Saint-Aubin sur lequel sont représentés les huit tableaux des Capucins du Marais sur la vie de la Vierge. A partir de cette découverte, on est certain de la provenance. Reste à connaître le voyage de ces deux toiles de Paris à Lyon. Ces dernières ont dû être retirées de leur lieu pendant la période révolutionnaire. L’Annonciation est mentionnée dans les listes d’Alexandre Lenoir, conservateur du dépôt des Petits-Augustins ; la Purification ne l’est pas, mais beaucoup de tableaux n’ont pas été mentionnés dans les listes. En 1810 a eu lieu une vente de tableaux provenant des églises parisiennes où le cardinal Fesch, Grand Aumônier de France et Archevêque de Lyon, depuis 1802, a acheté pour cette ville un grand nombre de toiles pour rhabiller les murs des établissements religieux dépouillés de leur ornementation. Les deux tableaux des Capucins-du-Marais ont été placés à la cathédrale Saint-Jean, vers 1812. La Purification ne quittera plus ce lieu, tandis que l’Annonciation a été envoyée à l’église Saint-Just, vers 1826, endroit qui est le sien, aujourd’hui.
L’Annonciation (N° 4) de l’église Saint-Just répond à la tradition iconographique de son siècle et du précédent. La composition est traditionnelle : le décor céleste qui se confond à la cellule, les anges et le Saint-Esprit dans la partie supérieure, au sol l’archange Gabriel, un lys à la main, est agenouillé et il montre du doigt le ciel ; la Vierge agenouillée est dans une attitude d’acceptation respectueuse. Ce n’est par la mise en scène de cet événement biblique que Collin de Vermont réussit à exprimer le sentiment religieux du mystère de l’Annonciation, c’est par les effets de lumière. Emanant du Saint-Esprit, la lumière de Dieu n’illumine que la Vierge — Gabriel, envoyé de Dieu, porte sur lui et en lui la lumière divine — laissant dans la pénombre terrestre hommes et objets. Cette lumière est révélatrice du Destin de l’enfant annoncé qu’il sera fils de Dieu parmi les Hommes ; elle est le lien entre le céleste et le terrestre, deux mondes où la Vierge sera reine.
La Purification (N° 5) de la Cathédrale Saint-Jean à Lyon permet au peintre une plus grande liberté pour la composition par le fait du sujet. La composition en frise, rythmée par les neuf figures plaquées sur une architecture antique (un mur, sans ouverture, scandé de pilastres). Cet agencement interdit toute profondeur, seules les dalles du sol allouent de l’espace à cette scène. L’émotion de cet instant est rendue par les expressions et les gestes des personnages. Sentiments qui contrastent avec la froideur du décor architectural auquel il faut aussi opposer les couleurs des étoffes et les plis des draperies.

Après Lyon, Paris. L’église Saint-Merry possède deux tableaux de Collin de Vermont : — une Annonciation (N° 23) et — une déposition de croix (N° 24). On les dates de 1740, année où ils sont exposés au Salon (55). Le livret officiel du Salon, de 1740, et le Mercure de France, de l’année 1740, ne mentionnent que les titres, les formats et les dimensions, mais ils ne font aucun commentaire sur ces deux œuvres ; la préférence fut donnée au tableau Roger et Alcine exposé à ce même Salon (N° 20). Après ce Salon, les deux tableaux ont été accrochés à Saint-Merry pour décorer la chapelle de la Vierge, où ils sont encore, aujourd’hui. Bien que placés dans l’église de Saint-Merry, dés 1740, un certain nombre d’ouvrages mentionnent que ces tableaux furent commandés pour la nef de l’église des Capucins du Marais (56), aujourd’hui, Eglise Saint-François. Il est à noter que les guides descriptifs de Paris (57) de cette époque ne mentionnent jamais dans les descriptions de ces deux établissements religieux ces deux tableaux (58). L’étude des registres des délibérations des Capucins du Marais et de Saint-Merry n’apporte aucun renseignement sur le fait que les tableaux ont été accrochés à Saint-Merry et non aux Capucins des Marais. Les seules informations que l’on possède sont d’ordre bibliographique. Le livre de l’Abbé Baloche sur Saint-Merry (59) est l’ouvrage le plus complet sur l’étude de cette paroisse. Il nous livre des indications très intéressantes et peut être complémentaires. Cet auteur affirme que ces deux tableaux ont été commandés par et pour les Capucins du Marais (60) et il indique aussi dans une note que ces deux tableaux ont été donnés par Collin de Vermont pour décorer la Chapelle de la Vierge de l’église de Saint-Merry (61). Cette décoration de l’église de Saint-Merry, à laquelle participe Collin de Vermont par le don de ses deux toiles, a été exécutée avec l’argent de M.Mettra, curé de Saint-Merry, de 1717 à 1744, et non avec celui de la fabrique ; ceci pourrait expliquer l’absence de trace dans les registres de délibérations de Saint-Merry. S’il y a eu commande par les Capucins du Marais celle-ci a été peut-être annulée et notre peintre a décidé alors de donner son travail à une autre paroisse. Mais il ne faut pas oublier que Collin de Vermont a déjà travaillé pour les Capucins du Marais : une Annonciation et une Purification, vers 1735 — 1738. Etant donné que les deux tableaux de Saint-Merry sont exposés au Salon de 1740, ils ont dû être entrepris, quelques mois auparavant. Les Capucins du Marais auraient donc commandé à trois ou quatre années d’intervalle une seconde Annonciation au même peintre. Y’aurait-il eu confusion de la part de l’inspection des beaux-arts de Paris en 1878 (62) entre les tableaux des Capucins du Marais et ceux de Saint-Merry ? Si je me permets d’avancer cette hypothèse, c’est en raison de plusieurs faits. Premièrement, les dates paraissent bien rapprochées entre les commandes des deux Annonciations faites à notre peintre par les Capucins du Marais. Deuxièmement, le Cabinet des dessins du Louvre possède un dessin préparatoire de l’Annonciation signé Collin de Vermont avec la mention : » A St Médéric » (63). Ceci nous indique donc que Collin de Vermont travaillait pour l’église de Saint-Merry lors de la préparation de son tableau. Troisièmement, il faut rappeler que l’Annonciation de l’église Saint-Just de Lyon fut identifiée par M.Foucard, il y a quelques années seulement, comme l’Annonciation des Capucins du Marais peinte par Collin de Vermont (64). A priori, la confusion entre les tableaux de Saint-Merry et des Capucins du Marais est impossible. Nous avons dans une église : — une Annonciation et — une Purification et dans une autre église : — une Annonciation et — une Déposition de croix, avec des formats différents. Et, nous savons que quand la série de Saint-Merry  a été présentée, au Salon de 1740, l’autre était placée aux Capucins du Marais, depuis 1735 — 1738. Seul un document dans les archives de ces deux églises pourrait élucider ce problème.
Il est temps d’en venir aux œuvres. On peut les voir, aujourd’hui, dans la chapelle de la Vierge, comme elles étaient placées, en 1740. Ce sont deux grandes toiles, l’une en face de l’autre dans des cadres Louis XV.
Commençons par l’Annonciation (N° 23). L’archange Gabriel, assis sur un nuage, une fleur de lys à la main droite tandis que de sa main gauche il montre la colombe du Saint-Esprit, apparait à la Vierge qui interrompue dans sa prière se retourne vers le messager céleste. Il ne reste que le prie-Dieu de la Vierge pour élément terrestre, tout le reste de la toile est envahi d’un décor céleste formé de nombreux nuages. Cette œuvre est différente de celle des Capucins du Marais par son format tout en hauteur et par son décor très dépouillé. La cellule a totalement disparu et la scène est réduite à l’ange Gabriel, à la Vierge et au Saint-Esprit ; seuls deux anges dans le haut du tableau assistent à la révélation de la naissance du Sauveur. Aucun détail, aucun personnage, ne distrait l’œil du spectateur, le peintre est allé à l’essentiel : l’Annonciation. Toujours par rapport aux Capucins des Marais, la Vierge est, ici, à la droite de l’ange et tourne la tête vers la gauche. Les gestes et les attitudes sont différents : la Vierge et Gabriel sont plus nobles beaucoup moins « familiers » qu’aux Capucins du Marais ; le côté chaleureux a disparu, il n’y a plus que le message. La froideur du tableau de Saint-Merry est aussi accentuée par les tons des couleurs, qui, aujourd’hui, sont beaucoup passés. La Vierge dans ses couleurs habituelles de bleu et de rouge, l’ange habillé d’une tunique bleue, surmontée d’une draperie jaunâtre, sont placés dans un décor céleste tirant sur le jaune orangé. La seule différence qu’il existe entre le tableau et le dessin préparatoire, que possède le Cabinet des dessins du Louvre, c’est la présence d’une corbeille, en bas à gauche, sur le dessin et qui a disparu dans le tableau. L’ensemble est, aujourd’hui, un peu morose. Si la mise en scène est différente entre l’Annonciation de Saint-Merry et celle des Capucins du Marais, on retrouve dans ces deux tableaux une similitude dans la manière de traiter les visages. Les deux visages des deux Vierges répondent à une même plastique : le nez et l’arcade sont prononcés, l’œil grand, la bouche petite et les cheveux sont tirés en arrière. On retrouve ces mêmes caractères physiques pour le visage de l’ange Gabriel  dans les deux tableaux.
En face de l’Annonciation, la Déposition de croix ou Piéta (N° 24). Le format et le cadre sont identiques. Le sujet est tragique ; le dépouillement de la composition y convient. Deux figures : La Vierge et son fils Jésus Christ. Ils sont au centre du tableau. La Vierge assise, dans une attitude de dignité et de résignation, meurtrie par la douleur, tient dans sa main droite la tête de son fils, mort, assis à ses pieds et qui repose sur ses jambes. On ressent toute la lourdeur du poids du corps du Christ par l’inclinaison de sa tête, de son buste et par l’abandon de ses quatre membres qui portent les stigmates. Tout est figé : le Christ sur son étoffe, la Vierge dans sa robe grise et son manteau bleu, la croix et l’échelle au fond du tableau, le vase et autres objets sur le devant, seule une draperie accrochée à la croix apporte un souffle de vie par son mouvement. L’ensemble est peint dans les tons bleus et bruns. Collin de Vermont réussit à transmettre ce moment d’intense émotion et de recueillement qu’éprouve la Vierge à la suite de la descente de la croix de son fils. Etant donné que Collin de Vermont a reçu la commande de ces deux tableaux et qu’ils étaient destinés à être accrochés l’un en face de l’autre ou l’un à côté de l’autre on saisit beaucoup mieux pourquoi l’Annonciation a été composée dans un style si dépouillé. C’est l’annonce de l’enfant Jésus, mais aussi la préfiguration de son destin. Joie et inquiétude sont représentées dans ces deux œuvres.

Reste les tableaux commandés par — l’église de Saint-Jean en Grève, — les Capucins du Palais Royal et — le couvent de Sainte-Croix de la Bretonnerie. Tous ces tableaux sont, aujourd’hui, perdus. L’église de Saint-Jean en Grève fut agrandie et restaurée, en 1724 et en 1733, par l’architecte François Blondel né à Rouen, en 1683 (65). Les cinq tableaux de Collin de Vermont sur la Vie de Saint-Jean-Baptiste : — la Naissance de Saint-Jean (N° 59), — le Baptême de notre seigneur (N° 60), — la Prison du Saint (N° 61), — sa Mort (N° 62) et sa — Tête présentée à Hérode (N° 63), ont été placés dans les boiseries du chœur dessinées par Blondel (66). Les peintures de Noël-Nicolas Coypel et de Dumesnil participaient à la décoration de ce chœur. Peintures exécutées probablement peu après 1733. De ces 5 peintures, aujourd’hui, disparues, peut-être détruites avec l’église, de 1797 à 1800, par Petit-Pradel, le Cabinet des dessins du Louvre possède trois dessins : — la Naissance de Saint-Jean (N° 99) (67), — le Baptême du Christ (N° 100) (68) et — le Martyre de Saint-Jean (N° 101) (69). Ces dessins au crayon noir ou à la plume, lavés de bistre et rehaussés de gouache nous révèlent le format « en écoinçon » qu’imposaient les boiseries de Blondel aux toiles de Collin de Vermont. Ils nous permettent de nous faire une idée des trois compositions adoptées par Collin de Vermont, de pouvoir juger de l’adaptation des scènes au format en « écoinçon » et de l’utilisation de l’espace.
Pour la naissance de Saint-Jean-Baptiste, le groupe d’Elizabeth et de son fils Saint-Jean-Baptiste est placé au centre ; les femmes qui lavent l’enfant sont à gauche et plus haut à gauche une femme fait sécher un linge devant une cheminée. L’espace est bien utilisé et la profondeur bien rendue. Le dessin est construit sur deux diagonales : la première formée des têtes de la servante qui lave l’enfant et d’Elizabeth prolongée par le dos d’une autre femme en haut à droite ; la seconde part d’Elizabeth passe par la servante qui porte le plateau et se termine en haut à gauche, à l’endroit où la vieille femme sèche le linge.
Format identique pour le Baptême du Christ. Le Christ légèrement décentré sur la droite reçoit, en s’inclinant, l’eau que saint Jean, à gauche, lui verse sur la tête. En haut, au centre, le Saint-Esprit. A droite, dans les airs un ange porte le manteau du Christ.
Pour le Martyre de Saint-Jean, Collin de Vermont centre et compartimente sa composition sur le segment le plus étroit de la largeur de l’écoinçon dans sa partie inférieure. Saint-Jean, agenouillé, le dos courbé, occupe la partie basse de l’écoinçon. Deux figures, dont celle du  bourreau, à sa droite, encadrent le Saint. Par leur position, ils créent deux axes verticaux à l’intérieur desquels se déroule l’action. Collin de Vermont a réussi exploiter toute la hauteur de l’espace qui lui a été confiée et par la proximité des protagonistes et leur agencement sur la hauteur de l’écoinçon. Il a su rendre la gravité de cet instant.
Malheureusement, pour les deux derniers tableaux de cette église : — la Prison du Saint et — la présentation de sa tête à Hérode, je n’ai trouvé aucun document qui pourrait nous aider à connaître les compositions. Pour ce dernier tableau, je rapporte, ici, à titre indicatif les commentaires de Louis Brochard, qui à mon avis sont loin d’être fondés. Dans son étude sur Saint-Gervais il tente un rapprochement entre un des tableaux de cette église : la décollation de Saint-Jean-Baptiste, et la toile de Collin de Vermont : « Chapelle de Bréguy et de Saint-Europe, a décollation de Saint-Jean Baptiste, toile, hauteur 1,50, largeur 2 mètres. Attribuée sans preuve ni vraisemblance à Robusti Jacopo dit le Tintoret. « Ce tableau entra à Saint-Gervais en 1828 ainsi qu’en fait foi le registre des délibérations : « Le comte de Chabrol (alors Préfet de la Seine) a fait don à l’église d’un tableau représentant la décollation de Saint-Jean Baptiste, anciennement placé dans l’église Saint-Jean en Grève, en échange de celui de la Présentation au Temple qui était dans la chapelle Sainte-Europe...” “Or, Piganiol de la Force signale dans l’église de Saint-Jean en Grève une série de sept tableaux ayant trait à l’histoire du précurseur, parmi lesquels la Mort de Saint-Jean-Baptiste par Collin de Vermont.”(70). Il est étonnant que L.Brochard, qui rapporte les dimensions de ce tableau ne fasse aucune allusion au format qui on sait pour Saint-Jean en Grève était en “écoinçon”.
Aucune description bibliographique de la Manne (N° 64), tableau placé dans le vestibule de la chapelle de la Communion de l’église Saint-Jean en Grève (71) et présenté au Salon de 1738 (72), n’existe. Cette chapelle fut exécutée, en 1733, sur les dessins de François Blondel par les soins et aux frais de Monsieur Feu Félix Hainault curé de cette paroisse. Le tableau de Collin de Vermont était dans la chapelle des fonds face au tableau de Lamy : — la Piscine (73). Il en est de même pour le Moïse serrant la Manne dans l’Arche (N° 21), tableau placé dans la sacristie de l’église des Capucins du Palais Royal (74). Idem pour le tableau, un Saint-Jean et une Madeleine (N° 65), peint pour le réfectoire du couvent de Sainte Croix de la Bretonnerie (75). Aucune description ne nous est parvenue et aucun document dans les registres de délibérations de ces deux établissements religieux ne nous renseigne sur les dates des commandes, sur les dates des accrochages et sur les prix payés au peintre. On sait seulement que ces tableaux étaient accrochés aux murs des églises, avant 1749, date à laquelle fut édité le guide de Dezallier d’Argenville : “Voyage pittoresque de Paris ; ou indication de ce qu’il y a de plus beau dans cette grande Ville en Peinture, Sculpture & Architecture”.

Que peut-on penser de la peinture religieuse de Collin de Vermont ? Seuls quatre tableaux restent visibles. Ceux des Capucins du Marais, aujourd’hui, à Lyon, et ceux de Saint-Merry, à Paris. Outre, qu’ils reflètent la peinture religieuse de Collin de Vermont durant cette période, ce sont les seuls témoins de son œuvre pour les années 1740, sans oublier les esquisses et les dessins. A travers eux, on peut déjà cerner le style de Collin de Vermont, ses qualités et ses défauts. Les compositions sont traditionnelles. Il est vrai que les sujets traités n’autorisent guère de liberté au peintre. On constate pour la Présentation au Temple, peinte pour les Capucins du Marais, en 1735, que Collin de Vermont reste encore très attaché au style de Jouvenet par l’agencement de sa composition où les registres sont nettement séparés entre le céleste et le terrestre. Agencement qu’il n’utilisera plus pour la Présentation au temple de l’église Saint-Merry, cinq années plus tard. Il est à noter aussi que l’on retrouve souvent les mêmes expressions dans toutes ses figures, mais ceci est dû aux similitudes dans les visages. Les années 1735-1740 ont été la période des commandes religieuses dans l’œuvre de Collin de Vermont. Si par la suite il fait des tableaux destinés aux églises ce sera par le biais de commandes émanant de la Surintendance des Bâtiments du Roi et non plus d’établissements religieux. Si le nombre de tableaux commandés par des religieux est important pendant cette période par rapport à la suite de sa carrière c’est vraisemblablement dû à un problème économique. Il ne faut pas oublier que nous sommes en pleine époque rocaille, où la peinture de genre connait la faveur du public au détriment de la peinture d’histoire où seuls les thèmes plaisants avaient encore un relatif succès. Comme l’écrit Locquin dans son livre : “La peinture d’histoire en France de 1747 à 1785” c’était : “La victoire du ‘joli’ contre le ‘beau’, de la ‘petite manière’ contre le ‘grand goût’ (76). Si le public boudait la peinture d’histoire, les seuls commanditaires à donner du travail aux peintres d’histoire étaient la Direction générale des Bâtiments du Roi et les établissements religieux. Pendant cette période de 1730 à 1745, dernière année où le Contrôleur général Orry était à la direction des Bâtiments, les finances du royaume au service des Arts ne permettaient pas d’offrir aux peintres académiciens de grands projets à exécuter. Epoque difficile pour la peinture d’histoire qui obligeait les peintres d’histoire à se tourner vers d’autres commanditaires que les bâtiments du Roi. Les établissements religieux par leurs commandes ont permis la survie de la peinture d’histoire. Le premier soin du Surintendant des Bâtiments du Roi, en 1736, a été de rétablir l’école des Gobelins, à la tête de laquelle il mit le peintre Clerc et fit exécuter de nouveaux modèles par De Troy, Restout, Coypel, Natoire, Van Loo et Collin de Vermont.

Collin de Vermont ne reçut qu’une commande des Bâtiments du Roi : Roger et Alcine (N° 22), tableau peint pour le Roi pour être exécuté en tapisserie aux Gobelins (77). Collin de Vermont tire son sujet du Roland furieux de l’Arioste, il peint l’épisode où Roger, après avoir été délivré par Bradamante du château du magicien Atlante, se fait emmener et déposer par l’hippogriffe dans l’ile enchantée d’Alcine, fée qui métamorphose les hommes, selon ses caprices, en plantes, fontaines ou rochers. Voici la description du tableau faite, en 1740, dans le livret officiel du Salon et aussi dans le Mercure de France de l’année 1740 : ‘Un grand tableau en largeur de 14 pieds pour 11 de haut, représentant l’arrivée de Roger Prince africain dans l’ile de l’enchanteresse Alcine, qui descend de son palais pour venir au-devant de lui accompagnée de ses femmes et de plusieurs amours, dont les uns s’emparent de ses armes et les autres s’empressent de l’enchainer avec des guirlandes de fleurs.’ (78). Collin de Vermont recut la somme de 2000 Livres pour ce travail :”... Le paiement est en date du 20 Juillet 1740 : Au sieur Collin de Vermont, peintre, 2000 livres pour son payement d’un grand tableau, qu’il a fait pour être exécuté en tapisserie à la manufacture des Gobelins, représentant l’arrivée de Roger dans l’isle d’Alcine, pendant la présente année » (79). Le tableau est bien composé. Sur un même plan, nous avons l’hippogriffe maintenu par une femme puis Roger marchant vers le palais d’Alcine et enfin Alcine, entourée de femmes — on remarquera que l’on retrouve, encore une fois, la disposition des personnages en frise créant une isocéphalie. Un arbre à gauche, qui ferme la composition, symbolise l’impossibilité de la fuite tandis que les regards des femmes attirent Roger vers le palais. Invité par le geste d’accueil d’Alcine, il marche vers son destin. Les femmes ont une allure gracieuse, mais il est dommage qu’elles aient toutes les mêmes physionomies et les mêmes expressions ; leur groupe semble quelque peu figé. Les amours, par leurs occupations et leurs actions, animent et donnent du mouvement à cette composition. Ce tableau qui est, aujourd’hui, au Musée de Peinture et de Sculpture de Grenoble, envoyé de Paris en 1873, n’aura pas été exécuté en tapisserie (80).

Terminons cette période par l’étude de cinq tableaux. Deux, en 1742 ; deux, en 1743 ; et un, en 1745. Les tableaux de 1742, sont, aujourd’hui, au Musée des Beaux-Arts de Rouen : ce sont — l’Eté (N° 25) et — l’Automne (N° 26). Chaque saison est représentée par une figure féminine. Ils sont signés et datés. D’un format identique, ils sont pendant l’un de l’autre. On peut se demander si Collin de Vermont a peint le cycle complet des quatre saisons ou seulement les deux que possède le Musée des Beaux-Arts de Rouen ?
Collin de Vermont expose au Salon de 1743, un tableau ayant pour thème l’Assomption de la Vierge (N° 23). L’indication du livret officiel se résume à ceci : « Un tableau en hauteur de 7 pieds de haut et de 5,5 de large, une Assomption de la Vierge » (81). C’est le seul et unique témoignage de l’existence de cette toile. On ne trouve aucune trace de cette œuvre après ce Salon jusqu’à nos jours. N’apparaissant pas dans l’inventaire après décès du peintre, cette Assomption a dû être vendue ou donnée à un particulier ou un établissement. Son sort sera peut-être un jour connu !

Le Salon de 1745 est le dernier que visitera le contrôleur général Orry. Tournehem lui succédant au mois de décembre de la même année. A ce Salon, Collin  de Vermont présente un sujet tiré de Quinte Curce : — Alexandre et Roxane (N° 29), tableau d’environ quatre pieds. Encore une fois, l’épisode traité par le peintre est rapporté dans le livret officiel du Salon : « Orxiates, Satrape de Darius, ayant invité Alexandre à un festin, auquel il avoir fait venir Roxanne sa fille, avec quelques compagnes, ce Prince en devint amoureux ; et sans s’arrêter à la disproportion des conditions, l’épouse sur le champ, ordonnant que l’on apporte du pain et que l’on coupoit en deux, suivant la coutume des Macédoniens, et dont les nouveaux mariéz prenoient chacun un morceau. Les convivez, les uns par flatterie applaudissent à sa passion, les autres cachent moins leur mécontentement de voir leur roy dans une débauche prendre pour son beau-père un de ses esclaves ; & Orxiates ravi d’un bonheur si inespéré en excite la conclusion de tout son pouvoir » (82).

En 1745, Collin de Vermont a 52 ans. Je devrais plus tôt écrire déjà 52 ans. Cette année 1745, année où la Direction générale des Bâtiments change de directeur, est une date charnière dans la carrière de notre peintre comme elle l’est pour la peinture d’histoire en France. Comme nous l’avons étudié précédemment, pendant ces dix dernières années, Collin de Vermont a davantage travaillé pour des établissements religieux que pour les Bâtiments du Roi (une dizaine de tableaux pour les églises et un seul pour le Roi : — Roger et Alcine). Pendant cette période, quel a été son rôle dans son Académie royale de peinture et de sculpture ? Les procès verbaux nous informent sur sa présence aux séances et sur sa disponibilité à remplacer ses collègues (il remplacera Boucher, Lemoyne et de Troy (83)). Ils nous apprennent aussi sa nomination au titre de professeur, le 2 juillet 1740 (84). On a l’impression que jusqu’en 1745, Collin de Vermont vivait de sa peinture, mais qu’il n’était pas encore reconnu par ses pairs. Il est vrai comme je l’ai déjà mentionné, que le contexte économique ne permet pas aux Bâtiments du Roi de faire travailler les peintres d’histoire à beaucoup de projets. L’arrivée de Lenormant de Tournehem à la direction des Bâtiments du Roi, en 1745, favorisera la reprise de la peinture d’histoire. Et, Collin de Vermont profitera des nouvelles mesures et participera au renouveau de ce genre. Si on schématisait la vie de Collin de Vermont, on pourrait écrire qu’à 52 ans il laisse une vie artistique consacrée aux commandes des établissements religieux derrière lui pour en débuter une nouvelle au service des Bâtiments du Roi. Un personnage important pour la vie affective et pour la carrière de Collin de Vermont disparait pendant cette première période : Hyacinthe Rigaud, son parrain, meurt, en 1743. Collin de Vermont est parmi les exécuteurs testamentaires. Voici ce que relève C. Colombier dans son étude sur Hyacinthe Rigaud : « Hyacinthe Colin de Vermont : Peintre, filleul de Rigaud et fils de son ami Colin, ancien musicien du Roi ; ayant beaucoup d’affection pour lui, Rigaud lui donne tout d’abord les portraits de ses oncles et de son père et toutes ses estampes (t3) ; puis “toutes les figures de plâtre tirées d’après l’antique ou d’autres auteurs” (t4), » toutes les esquisses et études concernant les portraits » (t5) et après la mort de Ranc, « tous les dessins des différents maîtres » et de Rigaud lui-même, « tous les tableaux.... qui ne font point partie de son cabinet » avec... » toutes les... choses concernant l’art du Sieur testamenteur « (t6) ; enfin tous les livres (sauf ceux traitant de la musique) (t8) et une tabatière en or offerte par le Prince de Rohan et “ornée d’ornements bizarres” (t9) (t1,t2,t3,t4,t5,t6,t7,t8,t9 = les numéros des différents testaments) (85). Il “laisse” derrière lui et malgré lui, un homme qui l’a formé, un homme chez qui il fut élève, un homme qui l’a soutenu dans son art, un homme qui a dû lui faciliter son entrée à l’Académie, un homme qui a dû compter dans son avancement dans cette institution, un homme qui devait être son conseiller enfin un homme pour qui il avait de l’amitié et de l’estime. Après le décès de Rigaud, il publiera un “Essay sur la vie et les ouvrages de Monsieur Rigaud” qui paraitra dans le Mercure de France, au mois de novembre 1744 (86). Il aborde cette nouvelle période avec de l’argent, il constitue des rentes (87) ; à partir de 1741 puis en 1742, 1743, 1744 et 1745 ; il a reçu plusieurs héritages (88) dont le plus important est celui de Rigaud ; le nombre de tableaux légués sera autant d’exemples auprès desquels il pourra s’inspirer pour ses futures œuvres.


                                                                                                                    Yves MALRIN


Notes :


(32)    Procès-verbaux..., t. IV, p.406.

(33)    Almanach royal 1727, p.275

(34)    A. Jal, 1867, p.1255 (Vermont).

(35)    Mercure de France, Juillet 1727, pp.1562-1563.          

(36)    Mercure de France, Juillet 1727, pp.1567-1568.

(37)    E. Delignières, Abbeville, 1865, p.19, N∞39.

(38)    Revue de l'art, 1977, N°33, pp.29-42.

(39)    Mercure de France, Juillet 1736, p.1639.

(40)    Catalogue des Dessins  français du XVIII° siècles, Paris, 1987, pp. 108-109, N°144.

(41)    Salon de 1737, Livret officiel.

(42)    Les tableaux ne portent pas de numéros.

(43)    Salon de 1751, Livret officiel N°11.

(44)    Catalogue de Vente Collin de Vermont, Paris, 1761.

(45)    A. Jal, 1867, p.1255 (Vermont).

(46)    Voir. Dezallier d'Argenville, 1749.

-(47)  Résidence de son père.

(48)    Colombier, 1973, p.91.

(49)    Procès-verbaux..., t. V, p.127.

(50)    Voir. Dezallier d'Argenville, 1749;  Voir. Piganiol de la Force 1742, ed.          1765.

(51)    Dezallier d'Argenville, 1749, p.263.

(52)    Archives Nationales, série S/3706.

(53)    Archives Nationales, série S/3706.

(54)    Historiques: voir. Catalogue N° & N°.

(55)    Salon de 1740, Livret officiel, N°16 & N°15.

(56)    Chaix, Inventaire des œuvres d'art appartenant ‡ la ville de Paris. Edifices religieux, t. I, p.384. Dumoulin & Outardel, Paris, 1936, p.108.

(57)    Voir. Dezallier d'Argenville, 1749;  Voir. Piganiol de la Force 1742, ed. 1765.

(58)    Fontenay dans son Dictionnaire des Artistes, Paris, 1776, mentionne l'Eglise de Saint-Médéric comme lieu où sont accrochés des tableaux de Collin de Vermont.
           
(59)    Abbé Baloche, Paris, 1911, tt. I & II

(60)    Abbé Baloche, Paris, 1911, t. II, p.456.

(61)    Abbé Baloche, Paris, 1911, t. I, p.452.

(62)    Chaix, Inventaire des œuvres d'art appartenant à la ville de Paris Edifices religieux,  t. I, p.384.

(63)    Cabinet des Dessins, Inv. N°252.

(64)    Guiffrey & Marcel, Inv. N∞2293. (64)  Bulletin de la Société de l'Histoire de l'Art français, 1976, pp.115-16O.

(65)    Pillement, Paris, 1966, p.297.

(66)    Dezallier d'Argenville, 1749, p.227-228.

(67)    Cabinet des Dessins, Inv. N°25265            Guiffrey & Marcel, Inv. N° 2292.

(68)    Cabinet des Dessins, Inv. N°25267 Guiffrey & Marcel, Inv. N° 2293.

(69)    Cabinet des Dessins, Inv.  N°25266 Guiffrey & Marcel, Inv. N° 2296.

(70)    Brochard, Paris, 1950, p.323.

(71)    Dezallier d'Argenville, 1749, p.228.

(72)    Salon de 1738, Livret officiel N∞ 40.

(73)    Blondel, t.II, livre.IV, chap. IV, pp.114-116.

(74)    Dezallier d'Argenville, 1749, p.156.

(75)     Dezallier d'Argenville, 1749, p.251.

(76)    Locquin, 1912, p. XXVIII.

(77)    Salon de 1740, Livret officiel, N°14.

(78)    Salon de 1749, Livret officiel, N°14 & Mercure de France, Octobre 1740, p.2271.

(79)    Engerand, 1901, p.99.

(80)    Messelet in L. Dimier, 1930, t.II, p.259.

(81)    Salon de 1743, Livret officiel N°29.

(82)    Salon de 1745, Livret officiel N°25.

(83)    Procès-verbaux..., t. V, pp.186-187, 218-219, 236, 253,274.

(84)    Procès-verbaux..., t. V, p.275.

(85)    Colombier, 1973, p.103-104.

(86)    Collection Deloynes, t.LXII-1980, Bibliothèque Nat; Cab. des estampes.

(87)    Archives Nationales. Minutier central, LIII , N°301 , N°308, N°310, N°316, N°323, N°344, N°346.


(88)    Archives Nationales. Minutier central, LIII, N∞ 303, N°313.

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